News

Se lancer dans la BD après l’animation : mode d’emploi
Quels sont les liens entre animation et bande-dessinée ? Comment trouver un éditeur ? Les réseaux sociaux sont-ils indispensables pour se faire connaitre ? Nos invitées ont répondu à toutes ces questions et apporté leurs témoignages lors de la table ronde « Les femmes dans la bande-dessinée » organisée à l’occasion des 60 ans de GOBELINS Paris.
Les illustratrices ne représentent aujourd’hui que 12% des illustrateurs édités. Cet événement s’inscrit donc dans l’engagement de GOBELINS Paris en faveur de la promotion des talents féminins dans les industries créatives et culturelles et de la lutte contre les inégalités femmes/hommes et les discriminations.
Nos quatre invitées :
Sixtine Dano
Diplômée de la formation Concepteur et Réalisateur de Films d'Animation en 2018, Sixtine est autrice et dessinatrice de bande-dessinée, réalisatrice et animatrice 2D. En 2025 elle signe son premier roman graphique chez Glénat "Sibylline, chroniques d’une escort girl". Elle y partage le récit intime et complexe d’une étudiante qui tombe dans la prostitution.


Claire Fauvel
Diplômée de la formation Concepteur et Réalisateur de Films d'Animation en 2011, Claire est autrice et dessinatrice de bande dessinée, elle a publié sa première BD en 2015 chez Casterman, et a sorti depuis plusieurs albums BD. Ses thèmes de prédilection sont l'adolescence, l'art, et l'amour, dans un contexte souvent contemporain.
Audrey Lainé
Diplômée de la formation Animateur de personnages 3D en 2015, Audrey est animatrice 3D et dessinatrice de bande-dessinée, elle a signé quatre albums chez Marabulles ("Moi en Double", "Mal briefée », "Les Cœurs insolents" et « Les lois du cœur ») et une bd chez Dargaud « Petites leçons de permaculture).


Diane Truc
Diplômée de la formation Concepteur et Réalisateur de Films en 2017, Diane est animatrice 2D et illustratrice webtoon. Après avoir gagné un concours avec sa scénariste Rutile, elle se transforme en mangaka virtuelle et crée le webtoon "Colossale", qui sera édité deux ans plus tard en 5 tomes papier aux éditions Jungle.
Pourquoi choisir la bande-dessinée après un parcours d’animatrice ?
Sixtine a commencé à écrire le scénario de "Sibylline" pendant ses études. L’histoire étant trop longue pour un court-métrage d’animation, la bande dessine s’est imposée comme le format idéal, permettant de raconter plus facilement et plus librement cette histoire.
"La bande dessinée est aussi venue de mon envie de ne plus être technicienne et de travailler sur mon propre projet".
Sixtine Dano
Diane a voulu faire de la bd depuis toute petite. Pour elle, la bande-dessinée reste le medium le plus efficace quand on a envie de raconter des histoires par soi-même. Elle est arrivée au webtoon en remportant la catégorie « humour » du concours organisé par la plateforme « Webtoon » en 2020.
Audrey a commencé la bande dessinée par hasard, elle été repérée par Navie, sa première scénariste, grâce aux dessins publiés sur son blog.
Claire a commencé à écrire sa première BD pendant ses études à GOBELINS, la maison d’édition qui avait accepté son projet ayant fait faillite la bd n’a pas été éditée mais elle n’a pas perdu cette envie et elle a continué à démarcher des maisons d’éditions jusqu’à être acceptée par Casterman, elle n’a jamais arrêté la bd depuis.

"Sibylline, chroniques d’une escort girl" - Sixtine Dano
En quoi l’animation peut-elle influencer la bande-dessinée ?
Pour Claire, l’animation a toujours nourri sa vision de la bd. Elle regarde beaucoup de films d’animation, ce qui transparait dans son découpage, très cinématographique. Elle appartient à une génération d’auteurs marqués par une mise en scène dynamique, inspirée des mangas et de l’animation.
"Je pense toujours mes récits comme des films et après je les retranscrits en dessin bd".
Claire Fauvel
Pour Audrey, le travail du posing en animation nourrit son dessin en bande-dessinée et inversement.
Sixtine a dû se défaire de ses réflexes d’animatrice pour utiliser pleinement le format bd dans sa narration. Son travail d’animatrice a également influencé son style de character design semi réaliste, caractéristique du cinéma d’animation français.
"Je me suis aperçue après ma première passe de storyboard que je cadrais mes personnages en buste. C’est un réflexe d’animateur, pour pouvoir faire des lipsyncs et des posings. J’ai réalisé qu’en BD un cadrage très serré sur le visage pouvait en dire bien plus".
Sixtine Dano
Diane souligne que le dessin des webtoons est souvent rigide. Les auteurs doivent produire un chapitre par semaine, un rythme soutenu qui pousse à privilégier la rapidité. Pour gagner du temps sur les poses complexes, beaucoup utilisent des marionnettes 3D qu’ils décalquent directement, ce qui peut donner des posings figés. À l’inverse, grâce à son expérience en animation, le dessin de Diane est beaucoup plus vivant.
"Une bd d’animateur ça se voit très vite, surtout au niveau des posings".
Diane Truc

"Phoolan Devi, reine des bandits" - Claire Fauvel
Comment trouver un.e éditeur.trice ?
Audrey est entrée dans la bd "par la grande porte" en étant directement démarchée par une maison d’édition. Elle a décroché les contrats suivants grâce aux rencontres faites sur les festivals de bandes-dessinées où les moments off et les repas permettent d’échanger avec les autres auteur.trice.e et les éditeur.trice.s.
Pour publier sa première bd, Claire a monté un dossier papier qu’elle a ensuite envoyé par la poste à toutes les maisons d’éditions ce qui lui a permis de se distinguer des autres candidatures. Aujourd’hui, elle décroche ses contrats grâce à son réseau et ses amis. Elle conseille de contacter les maisons d’édition qui nous plaisent et nous ressemblent.
"N’hésitez pas à contacter les auteur.trice.s que vous aimez et on vous partagera nos petites mailing lists top secrètes !"
Claire Fauvel
Le webtoon a été une formidable porte d’entrée pour Diane. Son éditrice, basée en Corée, lui a laissé une carte blanche totale sur son travail. A la fin de cette expérience, Rutile et Diane ont été contactées par plusieurs maisons d’éditions. Le modèle économique du webtoon n’est pas encore défini en France mais pour Diane c’est une excellente opportunité pour les autrices qui veulent créer des histoires un peu différentes.
« Je parle souvent du webtoon pour casser le plafond de verre de la bd, le webtoon c’est pour les femmes, il y a 70% d’autrices et le public est majoritairement jeune et féminin. Pour nous c’est une mine d’or, on peut s’adresser à des gens comme nous et avoir des retours du public au moment de la publication ».
Diane Truc
Sixtine a fait ses premiers pas dans l’édition avec "Pourquoi je désobéis pour le climat", une BD en 11 strips publiée sur le compte Instagram du média engagé Matin quel journal !, affilié au groupe Dargaud. Forte de cette expérience, elle a soumis le scénario de « Sibylline » à l’éditrice de Matin ! ainsi que plusieurs maisons d’éditions pour faire jouer la concurrence et obtenir la meilleure offre.

"Ma vie en double" - Navie et Audrey Lainé
Les réseaux sociaux sont-ils une plateforme efficace et suffisante pour faire connaitre son travail ?
Sixtine a été repérée par Glénat sur Instagram. Les éditeurs et éditrices effectuent un gros travail de veille sur les profils issus de l’animation et savent déceler le potentiel des juniors. Elle recommande donc de montrer son travail même si on estime que l’on n’a pas encore un niveau suffisant. Pour Sixtine les réseaux sont aussi un outil de promotion très intéressant qui permet de teaser la sortie de sa BD et de se créer une communauté de lecteur.trice.s avant même sa sortie en librairies.
Audrey rappelle que les comptes Instagram vont être plus facilement visibles par les éditeur.rice.s grâce aux stories, aux reposts et aux abonnements. Elle conseille donc d’associer un site à sa bio pour pouvoir montrer son portfolio, plutôt que de se contenter d’un site unique, qui ne sera peut-être pas bien référencé.
Claire a essayé des plateformes plus éthiques comme Mastodonte, Pixelfed ou Tumblr. Pour elle, c’est difficile de se passer des grosses plateformes, elle a toutefois pu observer que beaucoup de lecteur.trice.s la découvrent encore en librairie ou en bibliothèque.
Est-il indispensable de travailler avec un agent ?
Pour Diane, les agents spécialisés en bande dessinée sont rares. Elle a trouvé la sienne à la fin de son expérience dans le webtoon. Sa rémunération représente entre 10 et 15% de son avance sur les droits d’auteurs mais elle bénéficie d’un vrai soutien, notamment pour tout ce qui touche aux contrats ce qui lui permet de se libérer du stress lié aux négociations.
Sixtine n’avait pas d’agent pour son premier contrat, mais elle a pu s’appuyer sur d’autres auteur·trice·s pour évaluer le montant de l’avance et des pourcentages proposés. Elle rappelle que tous les éléments du contrat sont négociables : avance, droits audiovisuels, produits dérivés… D’où l’intérêt d’avoir un agent, plus à l’aise pour défendre ces points, surtout quand on débute. Enfin, les agents représentent plusieurs auteur.trice.s en même temps ce qui leur permet de faire pression sur les maisons d’éditions.
Claire ne travaille pas avec un agent, elle recommande toutefois d’en prendre un quand on ne maitrise pas toutes les subtilités d’un contrat.
"Lisez vraiment vos contrats jusqu’au bout, certains éditeurs ont essayés de m’arnaquer en acceptant des propositions par mails et en glissant des paragraphes cachés à la fin du contrat qui disaient l’inverse".
Claire Fauvel

"Colossale " - Rutile et Diane Truc
Quelles sont les principales erreurs à éviter ?
Pour Diane, la première erreur c’est de ne pas négocier quand on débute. Elle recommande de de se faire accompagner dans la lecture du contrat pour être sûr de comprendre tous les termes. Elle conseille également de débuter par du fanzianat, qui est le meilleur moyen d’éprouver la conception une bd de A à Z, et de se rendre compte du temps que l’on passe sur une page, l’encrage, le storyboard…
Audrey recommande de ne pas accepter de projets sur des sujets qui ne nous intéressent pas au risque de ne pas réussir à travailler. Elle n’a pas hésité elle-même à refuser des projets dont le scénario ne lui plaisait pas.
Pour Claire, accepter un sujet qu’on n’aime pas est l’erreur numéro un, surtout quand a soi-même un univers et une volonté d’écrire. Une bande -dessinée peut représenter plusieurs années de travail, ce qui peut vite devenir infernal si on n’aime pas ce que l’on fait.
Elle recommande aussi de bien respecter les étapes de création d’une bande dessinée quand on débute : commencer par écrire le scénario en entier, puis passer au storyboard pour tester le rythme. Comme en animation, cette étape est essentielle avant d’attaquer les planches finales. Elle conseille également de faire relire chacune des étapes par ses proches pour vérifier, le rythme, la cohérence les dialogues…
Aucun commentaire
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.