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Samuel Lepoil, co-fondateur de Tamanoir studio

17 octobre 2022 Portraits
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En 2017, Samuel Lepoil a co-fondé Tamanoir, un studio de création d'expériences immersives, juste après l'obtention de son Mastère Spécialisé Designer d'expérience interactive et ludique  - Cnam-Enjmin / GOBELINS Paris. Spécialiste de l'écriture VR, son travail fait se rencontrer le théâtre et la réalité virtuelle

 

 

 

Tamanoir c’est quoi ?

C’est un studio de création d’expériences immersives dans lesquelles le spectateur est au centre de l’univers.

 

Nous nous sommes spécialisés dans la rencontre entre les technologies immersives et les arts vivants. J’ai une formation de théâtre et de scénario et mon associé, Rémi Large, le producteur de Tamanoir studio est un ancien danseur. Nous avons voulu faire vivre des histoires aux spectateurs plutôt que simplement les raconter.

 

Nous créons actuellement une expérience avec des casques audio pour l’Opéra de Paris. Ce format nous donne du travail depuis 2 ans et nous continuons à l’explorer en racontant pleins d’histoires différentes. Le principe est simple, le public obéit à des consignes qu’on lui donne via un casque, pour créer une chorégraphie géante. Un spectateur va entendre « levez la main » et ailleurs dans la pièce un autre va entendre « relevez-vous », créant ainsi l’illusion que c’est la première personne qui est à l’origine de ce mouvement.

 

Cette forme a débouchée sur un projet qui s’appelle Les Naufragés, actuellement en tournée, un nouveau projet avec l’Opéra de Paris qui sortira en juin, un projet avec le festival des arts vivants de Hong Kong, le plus grand festival d’arts vivants du monde, qui sortira en mars et un projet au Canada, en co-production avec la société canadienne Art et essai qui sortira en juin aussi.

 

Le son est une matière qui nous permet de faire beaucoup d’expérimentations à bas coût et d’améliorer l’interactivité tout en conciliant écologie et accessibilité (la VR était très polluante et très coûteuse pour l’utilisateur), deux valeurs qui nous tiennent cœur.

 

Nous souhaitons continuer sur cette politique des formats en créant nouveau type d’expérience tous les deux ou trois ans, à décliner dans différents endroits.

 

 

 



Vous créez et mettez en scène des expériences et des pièces immersives, comment définissez-vous votre métier ?

Nous sommes une petite structure avec actuellement 4 permanents. A cela s’ajoutent ponctuellement des stagiaires et des freelances dont Alice Lepetit, qui était dans ma promotion à GOBELINS. Les projets peuvent réunir jusqu’à 10 ou 15 personnes, mon rôle consiste à coordonner tous les postes pour assurer la cohérence globale du projet.

 

J’ai aussi une seconde casquette d’artiste interactif. Le milieu français des nouveaux médias est très auteuriste, les fonds allouées à la création interactive non gamifiée sont issus du secteur du cinéma et de l’audiovisuel. Leur fonctionnement reposant beaucoup sur la notion d’auteur, notre organisation initiale nous mettait souvent au service du projet de quelqu’un d’autre qui se présentait en tant qu’auteur.

 

Ma croyance profonde, qui s’est complètement confirmée à Gobelins, c’est que c’est une équipe qui fait un projet, néanmoins au bout de trois ans il était très clair que sans se présenter en tant qu’auteur il était difficile d’être à l’initiative d’un projet et de mettre en place ses propres méthodes de travail. J’ai donc créé Böme, une figure d’auteur, pour nous permettre de porter nos propres projets et de les rassembler sous un même nom pour pouvoir créer une filiation entre les expériences

 

 

 



Comment avez-vous eu l’idée et l’envie de combiner le théâtre à la réalité virtuelle (d’abords avec The Roaming en 2018 puis Calamity Jane en 2020) ?

C’est quelque chose qui me travaillait avant même mon arrivée à GOBELINS. J’ai fait l’école dans l’optique de pouvoir développer cette idée. J’ai suivi un cursus très classique d’hypokhâgne, khâgne durant lequel j’ai étudié les genres artistiques, ce qui m’a amené à me poser la question du prochain genre.

 

Je n’étais pas un gameur ni très intéressé par les nouvelles technologies mais la réalité virtuelle m’intéressait sous cet angle-là. J’étais en licence quand j’ai découvert le master spécialisé donc j’ai enchainé sur un master d’écriture interactive, qui était la parfaite liaison entre la littérature et l’interaction.

 

En parallèle j’ai fait du théâtre et j’ai découvert la Cartoucherie de Vincennes et Ariane Mnouchkine. J’ai trouvé son concept très intéressant (fondé dans les années 1980, la Cartoucherie est un lieu dans lequel le public peut déambuler parmi les acteurs avant la représentation) et j’ai eu envie de créer une Cartoucherie interactive. C’est le projet que j’ai présenté pour le jury d’admission de GOBELINS.

 

Les premiers casques VR sont arrivés cette année-là et j’avais imaginé un système de projections, avec des avatars. Quand on met un casque on se retrouve projeté dans un univers virtuel mais le corps est engagé, donc pour moi c’est la jonction parfaite entre l’interaction et l’incarnation, la présence qu’on peut avoir au théâtre. J’ai naturellement continué dans cette voie avec Tamanoir. Pour moi c’est la continuité de ce projet de cartoucherie interactive que d’utiliser à la fois la réalité virtuelle et le corps du spectateur pour construire une narration.

 

 

 

Les Naufragés , Tamanoir Studio

Les Naufragés 



En quoi votre formation vous a été utile dans votre projet ?

L’élément le plus marquant de ma formation à Gobelins a été le travail en itération (en répétition). Quand j’essaie d’expliquer notre travail, je dis toujours que l’interactivité c’est la mise en scène du spectateur, comment on va l’amener à prendre sa place dans l’histoire.  C’est comme si on sculptait le foule, grâce à l’itération, on va donne un premier cadre et le public va agir d’une certaine façon puis on modifie quelques paramètres et le public réagit autrement et ainsi de suite.

 

J’ai aussi gardé des contacts de travail et des amitiés très fortes suite à cette formation. Quel que soit notre projet il y a toujours quelqu’un de Gobelins qui l’ont fait avant ou qui est dans le même secteur et c’est très chouette.

 

 

 

Call me Calamity, Tamanoir Studio

Call me Calamity 



Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?

Je travaille sur un projet qui s’appelle Spéranza : l’héritage de Robinson. L’ile où Robinson Crusoé s’est échoué s’appelle Speranza. L’expérience aura lieu sous un dôme, un peu comme celui de la Villette. Les spectateurs seront invités à faire le même voyage que Robinson en étant accompagné par une représentation abstraite et interactive de l’île qui réagit au mouvement du groupe.

 

 

 

Avez-vous des projets d’évolution pour le studio ?

Le studio va continuer à grossir mais pas énormément. L’essentielle de nos création étant expérimentales ne pouvons pas nous permettre d’avoir plus de 10 salariés au studio. Notre idée, à petite échelle, c’est de développer des technologies propriétaires pour pouvoir pousser certaines idées que le matériel existant ne permet pas de réaliser.  

 

Nous souhaitons rendre nos expériences les plus accessibles possibles. Nous avons commencé à investir le circuit du théâtre et un peu le circuit des musées d’art contemporains et nous aimerions amener notre art dans la rue, dans des endroits plus surprenants en faisant beaucoup de pédagogie sur ce qu’est l’interactivité.

 

Nous allons continuer à travailler autour du design d’interaction en pensant des expériences sensorielles totales, avec par exemple un système qui permet de relier un son à une saveur, une odeur à une image… sans forcément avoir recours à des grosses machines.

 

Nous avons aussi dans les cartons, depuis la création du studio, le projet d’ouvrir Tamanoir au Canada. Le Canada et la France sont de superbe synergies pour le design d’interaction, il y a énormément de choses qui se passent au Québec. C’est une force d’avoir un pied des deux côtés.

 

 

 



Quel conseil donneriez-vous à un ou une jeune diplômé.e ?

Je crois très fort que l’interactivité est encore un domaine à défricher, il ne faut surtout pas se mettre dans des cases et s’auto censurer pour rester « employable ». Les gens adorent les multi-cursus, il faut profiter au maximum.

 

Pour moi l’interactivité ça été comme un prisme qui m’a permis de développer pleins d’autres choses dans la connaissance du design interactif. Il faut essayer de se comprendre soi-même, de voir comment ses différentes passions peuvent s’interconnecter et c’est ça qui va créer notre patte, notre spécificité, et qui fera de nous un élément unique qu’on va chercher à employer.

 

 

 

 

 

 

Interview par Sophie Jean 




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