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"Le temps d'un café", carnet de route d'une travailleuse humanitaire
Avec « Le temps d’un café », son projet de fin d’étude, Clémentine Thiriot (formation Graphiste Motion Designer, 2022) met en image de manière poétique et originale le témoignage d’une travailleuse humanitaire missionnée dans un petit village du Soudan du Sud en 2017.
Votre projet en quelques mots ?
C’était une commande de CoCreate Humanity, une association qui fournit une aide psychologique et médicale aux travailleurs humanitaires, notamment pour leur permettre de faire face au stress post traumatique qui peut subvenir après certaines missions.
L’association a proposé une vingtaine de témoignages à l’ensemble de la classe, à partir desquels nous devions créer un motion design d’une minute trente maximum. Nous avons chacun tiré au sort un texte. Le mien s’appelait « Le temps d’un café », il a été écrit par une jeune femme qui partait pour la première fois en mission au Soudan du sud.
Le texte était un peu complexe à animer car il ne parle pas de traumatisme en tant que tel mais plutôt de la peur ressentie par la protagoniste dans un pays étranger et en conflit. Il fallait donc que je trouve comment illustrer ses craintes et ses doutes.
Le pitch était le suivant : une jeune femme en mission dans un petit village est invitée à prendre un café par Margerat, une autre femme, membre de son équipe et doit donc s’aventurer hors de l’enceinte de l’organisation humanitaire pour laquelle elle travaille. Le témoignage raconte tout le questionnement de cette jeune femme qui hésite à accepter la proposition pour des raisons de sécurité.
Avec ce film, je voulais illustrer l’idée que parfois une situation d’apparence anodine peut amener à devoir faire un choix qui l’est beaucoup moins. Je voulais montrer cette idée d’errance, d’introspection à travers un carnet de voyage et créer ainsi une cartographie de la réflexion de cette femme, tisser un fil de pensées qui serait comme une route que va suivre le spectateur.
©Clémentine Thiriot pour CoCreate Humanity
Quelles ont été vos références, vos inspirations pour la réalisation du motion ?
Je me suis beaucoup inspirée de l’illustratrice Stéphanie Ledoux qui est une référence pour moi depuis que je suis petite. Elle s’est spécialisée dans les carnets de terrains et les portraits en très grand format sur lesquels elle réalise des collages avec des papiers rassemblés au cours de ses voyages. Cette technique et son approche ethnographique du dessin m’intéressaient beaucoup.
J'aime aussi beaucoup le travail d’Eva Jospin, qui crée des paysages tissés monumentaux, j’ai repris ce motif du fil dans mon motion.
J’ai aussi été très influencée par l’illustratrice jeunesse Rébecca Dautremer qui utilise des gribouillis et des graffitis dans ses illustrations, notamment dans son adaptation graphique de Des souris et des hommes.
D’une manière générale j’aime beaucoup aller à la bibliothèque municipale pour me plonger dans des livres et en tirer des idées. J’ai consulté quelques ouvrages sur l’art africain et j'ai cherché des articles ou des reportages qui pourraient me renseigner davantage sur le contexte du pays.
©Clémentine Thiriot pour CoCreate Humanity
Quelles techniques avez-vous utilisé ? Quel a été votre cheminement créatif ?
L’idée du carnet de voyage s’est imposée assez naturellement avec le sujet et la forme du texte. La narratrice évoque surtout des émotions qu'elle a ressenties, il n’y a pas vraiment d’action à mettre en scène.
J’ai eu l’idée de représenter des masques et des éléments tissés pour pouvoir créer des animations à superposer au texte, de manière un peu abstraite.
Le concept du fil m’est venu en crayonnant et petit à petit il s’est imposé comme la matérialisation du cheminement de ses pensées, de la route qu’elle doit emprunter, du choix qu’elle doit faire et des éventuelles conséquences qui peuvent en découler.
J’ai utilisé la technique du collage pour faire un rappel des morceaux de papiers qu’on accumule dans les carnets de voyage. J’aimais bien cette idée de fragmentations, de superstitions, de déchirement qu’elle impliquait.
J’ai déchiré des morceaux de papier à la main que j’ai ensuite scannés, si la forme ne me convenait pas je la retouchais sur ordinateur. J’ai aussi scanné et déchiré des pages de mes propres carnets de voyage ou de livres, notamment un livre de Raymond Depardon dans lequel il parle du Soudan du sud. Je pense qu’on ne le voit pas forcément dans le motion mais j’ai ajouté des morceaux d’un passage dans lequel il liste des maladies pour faire un écho aux peurs de la narratrice qui craint de tomber malade en buvant l’eau de ce fameux café.
Pour représenter le café j’ai peint de fausses traces au brou de noix que j’ai également scannées, j’ai fait de même pour les différentes textures qu’on peut voir dans film. J’ai réalisé ensuite toute l’animation de manière digitale.
©Clémentine Thiriot pour CoCreate Humanity
Quels sont vos projets pour la suite ?
Je me suis crée un statut de freelance et je travaille avec une autre diplômée de Gobelins sur une commande d’Unique Héritage Média, un groupe de média et d’édition qui publie des magazines jeunesses, chez qui j’avais un stage cet été.
J’ai également le projet de monter un collectif, avec d’autres anciens de l’école pour conserver l’émulation crée tout au long de l’année au sein de la formation.
Où on peut voir votre travail ?
Mon site est en cours de création, mais j’ai un compte Vimeo sur lequel j’ai posté tous mes projets de l’année. J’ai également un compte Instagram.
Interview par Sophie Jean
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