Se lancer en freelance : les conseils de Myriam Charvet, designer pluridisciplinaire

Diplômée de la Licence professionnelle Création et Développement Numérique en Ligne en 2004, Myriam Charvet a commencé sa carrière en tant que Directrice Artistique Digital Junior chez Publicis Net avant d’évoluer vers un poste de Directrice Artistique Digital Senior chez Ogilvy One. 
En 2011, après un burn-out, elle décide de quitter le monde des agences et de lancer son activité designer pluridisciplinaire indépendante. 

Freelance depuis une quinzaine d’année, elle nous livre son retour d’expérience et ses conseils.

Mes années en entreprise m’ont permis de construire mon réseau et de structurer ma pensée et mes méthodes de travail. Quand j’ai lancé mon activité, mon réseau était essentiellement composé des contacts noués au fil de mes huit années passées en agence.

C’est aussi très formateur de travailler aux côtés de profils plus seniors. On apprend énormément en les observant, en recevant leurs conseils ; une forme de mentorat s’installe naturellement.

Travailler avec un directeur de création permet d’avoir des retours sur ses projets, d’être aguillé. C’est génial d’avoir cet échange et de pouvoir prendre du recul sur son travail. 

J’ai entretenu mon réseau en suivant des formations, en participant à des événements, à des after-works ou à des tables rondes sur des sujets qui m’intéressaient. 

Le réseau peut aussi s’étoffer au fil des rencontres personnelles. Je travaille souvent pour des proches qui ont besoin d’un logo par exemple. J’ai aussi trouvé du travail grâce à deux copines de GOBELINS. 

Je n’ai jamais vraiment eu besoin de chercher, en revanche la contrepartie c’est que je ne choisis pas mes clients et je ne peux pas refuser les projets sinon on ne pensera pas forcément à moi la prochaine fois.

On imagine souvent que le freelance est synonyme de liberté mais on ne peut pas se permettre de refuser tous les projets ni de bâcler son travail. Quand on est free on n’as pas le droit à l’erreur sinon on n’est pas rappelé.  

J’ai repris des bureaux après le covid parce que je m’ennuyais, j’avais l’impression d’être toujours confinée ! Quand on est free avoir des bureaux permet de sortir de chez soi, d’avoir des collègues. J’ai besoin de ce contact, la visio ne me suffit pas. 

Je partage un bureau avec une Directrice Artistique spécialiste en identité visuelle et un motion designer/monteur vidéo. L’autre gros avantage des bureaux c’est qu’on s’apporte du boulot mutuellement !

Quand j’ai commencé en indépendante, je me passée par une agence de freelance qui m’a apporté beaucoup de missions, moyennent une commission. 

Les agences imposent souvent une clause de non-concurrence mais c’est un bon moyen de gagner en expérience sans avoir à prospecter soi-même. L’agence se charge des négociations avec les clients à partir du tarif qu’on lui indique. 

Identité visuelle et UX-UI design pour Yonder - Myriam Charvet

Je n’ai pas vraiment de journée type, et c’est ce qui me plaît dans le freelance. 

Mon organisation dépend beaucoup des projets : 

• au tarif jour, ma journée est assez structurée, avec des réunions, comme si j’étais salariée ;
• quand je travaille en direct pour un client je peux m’organiser comme je veux et je fais des journées ultra efficaces de 6h pour pouvoir aller à la piscine ou voir des expos.  

Je suis aussi musicienne, je joue dans deux groupes de musique donc je profite de mes périodes plus calmes pour avancer sur mes compositions et dédier une journée à la musique et aux répétitions. 

C’est important de se fixer une structure. La liberté peut être épuisante, il faut réussir à s’imposer soi-même des limites et des contraintes.

Quand je ne suis pas très motivée (typiquement le lundi) je vais au bureau pour éviter les distractions !  

Je suis assez contente de mon équilibre pro/perso. Avant j’avais tendance à accepter tous les projets mais il faut aussi savoir se préserver et s’imposer des vacances. 

Cet équilibre me permet de concilier mon travail et la musique.  Mon activité de musicienne me permet d’ailleurs de nourrir mon travail de designer.

Il y a énormément de points communs entre la création musicale et le graphisme. On retrouve les mêmes process de réflexion. J’ai pu me former à la direction artistique de clips vidéos et au montage, deux compétences que je peux vendre aujourd’hui. 

La musique m’a permis aussi d’explorer des logiciels différents. Les logiciels c’est comme les langues étrangères, plus on en connaît plus c’est facile d’en maitriser des nouveaux !

Identité visuelle et design global pour Moutainfire - Myriam Charvet

Il faut bien faire attention à ouvrir deux comptes séparés et à mettre de côté l’argent qu’on doit aux impôts et à la TVA. 

Les freelances ne sont pas éligibles à la TVA lors de la première année, mais il faut bien penser à conserver cet argent pour les années suivantes. 

Dès le début de mon activité j’ai créé un compte dédié aux charges Urssaf et à la TVA. Pour moi c’est trop dangereux de tout mettre sur le même compte sans distinction. Les charges sont prélevées à année +1 ou +1,5, donc si on n’a pas pensé à mettre ce montant de côté c’est la catastrophe ! 

Il m’arrive encore de sous-estimer mes devis, j’essaie d’ajouter systématiquement 20% au montant final pour y remédier. 

Vos tarifs font valoir votre expertise. Les clients vous respecteront davantage si vos tarifs sont élevés. On a tous fait des boulots gratuits ou mal payés qui se sont avérées être des expériences infernales ! 

Il faut également penser à intégrer les temps de recettage et de réunion dans les devis. Les réunions peuvent vite représenter 20% du temps de travail quand on n’est pas au forfait jour. 

Quand je travaille en direct avec les clients je ne fais jamais figurer mon taux jour sur le devis. À la place, je propose un forfait global accompagné d’un détail des prestations.

 
Le taux jour peut effrayer les clients qui ne perçoivent pas immédiatement la valeur ajoutée que représentent votre expérience et votre niveau de séniorité par rapport à une prestation moins chère, proposée par un profil junior. 

On ne touche pas de chômage quand on est freelance, il faut prévoir son propre filet de sécurité en cas de périodes creuses. 

Je recommande d’avoir au moins six mois de trésorerie pour avoir l’esprit tranquille. Certains clients paient à 90 jours même si c’est interdit, sans une marge financière, ces délais peuvent rapidement mettre en péril votre activité.

C’est crucial de diversifier son réseau pour ne pas dépendre uniquement d’un ou deux clients.

Quand on est mono-client on prend le risque de se retrouver sans revenu et sans réseau du jour au lendemain. Construire un réseau varié permet de sécuriser son activité sur le long terme.

J'ai souscrit à une retraite complémentaire et à une prévoyance. En tant que freelance, on perçoit uniquement les indemnités de la sécurité sociale en cas d'incident grave, la prévoyance permet d'être mieux couvert.

Il faut également faire attention au statut auto-entrepreneur. Il peut être tentant au début parce qu’il y a moins de charges mais ce statut n’a pas été créé pour les activités au long terme, la cotisation pour les retraites n’est pas du tout avantageuse.