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Crédit: "Arcane" ©Riot Games
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Rencontre avec Pascal Charrue et Barthélemy Maunoury, coréalisateurs d’Arcane

17 avril 2025 Actus des anciens
Publié par Sophie JEAN
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Tirées de l’univers du jeu vidéo League of Legends, les deux saisons d’"Arcane" ont été produites par Fortiche Production et Riot Games. Acclamée par le public et la critique, la série a remportée pas moins de neuf Annie Awards et quatre Primetime Emmy Awards en 2022 ainsi que 7 Annie Awards en 2025.  


Pascal Charrue, diplômé de la formation Animateur Jeu Vidéo en 2000 et Barthélémy Maunoury, diplômé des formations Dessinateur d’animation (en 2003) et Animateur Infographiste (en 2004) ont accepté de répondre à nos questions sur la série et de partager leurs conseils et leurs souvenirs de GOBELINS !

 

 

 

"Arcane" ©Riot Games

"Arcane" ©Riot Games



Quels ont été vos parcours respectifs depuis l’obtention de vos diplômes ?

Pascal : J’ai suivi une formation d’animation pour le jeu vidéo. J’ai été embauché chez Quantic Dream en 2000 à ma sortie de l’école, c’est là que j’ai rencontré mon associé Jérôme Combe. Nous avons commencé par travailler sur des trailers de jeux vidéo, c’est ce qui m’a donné envie de faire de l’animation. 


Le jeu vidéo m’a appris une rigueur et une simplification qui font partie aujourd’hui de la signature visuelle de Fortiche.


J’ai fait ensuite beaucoup de freelance, j’ai pitché et développé des projets et j’ai retrouvé Jérôme en 2008 sur un projet de développement de long métrage pour Gaumont. 


Nous avons créé Fortiche la même année, en commençant par des pubs et des clips avec l’idée de développer notre style et nos visuels et puis l’aventure s’est lancée.

 

Nous avons petit à petit travaillé sur des projets plus internationaux comme le clip pour Gorillaz. Puis, notre rencontre avec Riot Game a été décisive, les vidéos créées ont généré plus de 200 millions de vues. Ensuite,  nous avons commencé à parler du projet Arcane en 2014/2015. Nous avions déjà travaillé avec Bart sur le clip pour Gorilla. 

 


Barthélémy : J’ai suivi la formation Dessinateur d’animation puis, comme la 2D commençait un petit peu à péricliter, j’ai fait une troisième année de spécialisation 3D. A la fin de mes études, je suis parti en Angleterre pendant 5 ans pour travailler sur des VFX chez Framestore, puis en Nouvelle Zélande où j’ai été embauché par Weta, avant de rentrer en France travailler chez Illumination, Mikros, Gaumont puis Fortiche !

 

 

 

"Arcane" ©Riot Games

"Arcane" ©Riot Games



Quels technique, conseil ou astuce appris à l’école vous sert encore aujourd’hui ? 

Pascal : Pour moi, la force de GOBELINS ce sont les talents. Côtoyer les autres étudiant.e.s m’a apporté une sacrée modestie ! Il y avait beaucoup de gens très talentueux et très cultivés à GOBELINS. Il faut absorber cette culture et ne pas rester dans son coin.

 

C’est important d’avoir une bonne culture artistique. Chez Fortiche, nous sommes très inspirés par le cinéma live. Notre ambition c’est de faire en sorte que les gens n’aient pas l’impression de regarder un cartoon ou un dessin animé, comme au Japon. 

 


Barthélémy : Effectivement le point fort de l’école ce sont les talents. J’ai voulu rentrer à l’école grâce à un reportage qui parlait de GOBELINS et aux journées portes ouvertes. Il y avait aussi un petit côté revanchard. Je voyais tous ces supers dessins sur les murs et j’avais envie de faire partie de la bande et de me mesurer aux meilleurs !

 

Quand je suis arrivé à GOBELINS je suis un peu redescendu sur terre parce que j’étais face à des cadors de l’animation. Les étudiants de ma promo ont constitué mon premier réseau professionnel, réseau que j’utilise encore aujourd’hui.

 

 

 

"Arcane" ©Riot Games

"Arcane" ©Riot Games



GOBELINS fête ses 60 ans cette année, quelles différences avez-vous pu observer entre les nouvelles générations de diplômés GOBELINS et la vôtre ?  

Pascal : Les nouvelles générations sont davantage formées à la réalisation. De manière générale, nous recherchons des artistes tels les anciens de GOBELINS pour leur formation sélective mais également pour le talent des diplômé.e.s. 

 


Barthélémy : Nous avions tous l’envie de devenir de super bons techniciens. À l'époque, nous avions moins cette dimension d'auteur, je pense que nous n’osions peut-être pas rêver de ça. L’avènement d’internet a aussi joué un rôle. Nous animions encore sur banc titre, avoir accès à des line tests d’autres animateurs et des models sheets c’était exceptionnel. 

 


Pascal : J’ai l’impression qu’il a fait GOBELINS avant moi quand je l’entends ! 

 


Barthélémy : C’était une autre époque, le premier jour on nous avait donné une VHS et nos line tests étaient enregistrés sur banc titre, nous n’avions pas de Cintiq, il y avait un ordinateur pour toute la classe. 

 

 

 

"Arcane" ©Riot Games

"Arcane" ©Riot Games 



Comment avez-vous constitué les équipes d’"Arcane" ?

Pascal : Quand nous rencontrons des talents, nous sommes toujours surpris par les profils des juniors qui sont déjà de qualité. Ce qui fait la différence pour nous c’est l’œil, la capacité à porter un regard critique sur son travail. Il faut pousser la curiosité et l’originalité. 

 


Barthélémy : Nous sommes quand même un gros studio avec des départements spécialisés. Si un étudiant veut travailler chez Fortiche il faut qu’il sache vers quelle spécialisation il veut s’orienter (design, storyboard, animation… ). Nos métiers sont très spécialisés, plus un studio grossit plus il va faire appel à des experts dans leur domaine. 

 


Pascal : Effectivement comme le dit Bart, le studio est grand donc nous avons besoin de remplir les départements. Nous valorisons également les profils polyvalents, la communication inter-départements nécessitant une bonne connaissance des autres postes. 

 

 

 

"Arcane" trailer de la saison 1 



Quelle est votre analyse de l’état actuel du marché de l’animation ?

Pascal : La concomitance du covid et de la grève des scénaristes a décalé beaucoup de projets. J’ose espérer que l’industrie va se stabiliser d’ici un ou deux ans, tout le monde met les moyens pour qu’elle reparte


L’animation est vraiment en train de changer, surtout avec l’IA, il faut déterminer comment s’en protéger et comment produire bien et plus vite, tout en respectant les métiers. Chez Fortiche, nous n’utilisons pas du tout l’IA générative. Notre philosophie c’est vraiment de mettre le talent artistique en avant. 

 


Barthélémy : L’animation a traversé des tas de crises depuis qu’elle existe, il y a quelque chose d’assez cyclique. Le passage de la 2D à la 3D par exemple a été aussi très douloureux pour beaucoup d’artistes. 


Ce n’est jamais réjouissant mais il y a quand même plein de bonnes choses qui arrivent : l’ouverture de l’animation à un public plus large, la diversification des moyens de diffusion, la passerelle entre l’animation et le jeu vidéo, le transmédia…

 


Pascal : Effectivement les changements peuvent faire peur mais finalement la 3D n’a pas remplacé la 2D, l’équilibre a été trouvé

 

 

 

"Arcane" ©Riot Games

"Arcane" ©Riot Games



Quels conseils donneriez-vous à un.e réalisateur.trice avec un projet, qui souhaiterait démarcher un studio ?

Pascal : Il faut cibler les studios en fonction de son projet. Notre ambition ce sont les films jeunes adultes/adultes, donc si nous sommes démarchés par des profils très cartoons je vais les rediriger vers d’autres studios. 


S’il y a du talent il n’y a pas de soucis pour trouver du travail. Et sinon il faut tout simplement travailler. Il est tout à fait possible de réussir, de développer ses projets et de monter son propre projet si on a une vision


Aujourd’hui, le développement des projets se fait aussi plus facilement. Si on m’avait dit au moment où j’ai fait GOBELINS, que dans quelques années j’aurais mon propre studio et que j’allais créer un studio qui allait aussi bien marcher j’aurais eu du mal à y croire ! 


Il faut réussir à se démarquer. Typiquement quand nous avons monté Fortiche, la plupart des studios faisaient de l’animation très réaliste en 3D. Ça n’a jamais été notre crédo. Nous avions une appétence pour la 2D, tout en étant meilleurs techniciens en 3D, nous avons donc décidé d’imaginer une 3D qui ressemble à de la 2D


Quand d’autres studios ont commencé à nous imiter, nous avons réfléchi à une nouvelle manière de raconter des histoires. Il faut vraiment essayer de continuer à se démarquer à chaque fois. 

 

 

 

"Arcane" ©Riot Games

"Arcane" ©Riot Games

 

 

 

Barthélémy : C’est très bien d’avoir un angle d’auteur et d’avoir une vision mais je reste persuadé que l’animation est un travail d’équipe. Tout le monde ne deviendra pas Miyazaki mais il est aussi possible de s’épanouir dans ce travail collaboratif.

 

Il faut aller vers les autres, vers l’équipe, collaborer avec des talents complémentaires et ne pas s’enfermer dans sa vision d’auteur. C’est possible de faire de l’animation seul, il existe des tas d'exemples, mais je crois dur comme fer que la force de l’animation c’est aussi ce travail d’équipe.

 


Pascal : Ça rejoint bien ce que tu disais par rapport à ton passage à GOBELINS et la création d’un réseau, c’est le même principe dans le monde professionnel. 

 


Barthélémy : Exactement !  Certains de mes collègues d’école sont devenus réalisateurs avant nous et nous ont fait bosser sur leurs films. Cette collaboration je trouve que c’est vraiment un aspect hyper cool de l’animation, tous les métiers ne le permettent pas. 

 

 

 

"Arcane" trailer de la saison 2 



Quel est l’épisode d'"Arcane" qui vous a le plus marqué ?

Pascal : J’ai travaillé davantage sur la saison 1 et Bart, lui a beaucoup plus travaillé en tant que réalisateur sur la saison 2. 


J’aime quand la fabrication se passe mal mais que le rendu final fonctionne bien. Quand ça se passe mal c’est parce qu’on travaille beaucoup dessus et qu’on ne veut pas lâcher. Par exemple, nous étions assez dubitatifs par rapport au combat Ekko/Jinx dans la saison 1 et le résultat a été au-delà de nos espérances. C’est ce genre de séquences qui restent en tête.

 


Barthélémy : C’est une excellente réponse, ce n’est pas forcément le produit final que je préfère mais plutôt l’expérience de la fabrication. Nous allons nous souvenir du challenge qui a été relevé. Le final de la saison 2 a été également très douloureux mais finalement nous en sommes très fiers. 

 

 

 

"Arcane" ©Riot Games

"Arcane" ©Riot Games



Quel est le personnage pour lequel vous avez le plus d’affection ?

Pascal : Le premier c’est Jinx parce que c’est un personnage historique chez Fortiche. Nous avons créé le personnage avec "Get Jinx", et 5 ans plus tard nous avons pu créer une série sur elle. Ça reste un personnage que l’on aime tous beaucoup. 


Le deuxième personnage serait Viktor. C’est un personnage qui varie beaucoup mais qui est foncièrement bon au départ. J’aime bien son côté héros de l’ombre. Dans le scénario nous le comparions à Steve Wozniak qui a créé Apple avec Steve Jobs. J’aimais bien cette idée.

 

 
Barthélémy : Je citerais aussi Jinx en premier parce que c’est le personnage sur lequel nous nous sommes le plus pris la tête. Nous avons vraiment beaucoup réfléchi et le personnage fonctionne bien à la fin. En deuxième position, Vi sans raisons particulières mais parce que je l’aime bien tout simplement.  

 

 

 

"Arcane" ©Fortiche 

"Arcane" ©Riot Games



Quelles ont les éventuelles évolutions techniques entre les deux saisons ?

Pascal : Il n’y pas de nouveautés drastiques. Nous avons mis en place un pipeline et un workflow que nous avons conservé sur la saison 2. 


Nous nous sommes imposés nous-mêmes les difficultés et les nouveautés en créant des séquences spéciales. Elles nous permettaient aussi d’expérimenter des choses. En général les séries sont très calibrées et laissent peu de place à l’expérimentation. 


Le rapport 2D/3D a été amélioré, les FX 2D/3D se sont très bien coordonnés sur la saison 2. Il y a eu des fulgurances sur la FX 3D, avec des moments où j’ai moi-même cru que certains passages étaient en 2D !


Techniquement nous sommes restés sur le même process, c’était déjà notre façon de faire des films, même avant "Arcane". Nous avons juste fait évoluer les outils pour correspondre aux softs et aux attentes de nos développeurs.

 

L’équipe, nous inclus, a également progressé entre les deux saisons.   

 

 

 

"Arcane" ©Fortiche 

"Arcane" ©Riot Games



Pouvez-vous nous donner un indice sur votre prochain projet ?

Pascal : Nous avons fait un petit buzz à Annecy l’année dernière en annonçant "Penelope of Sparta" un projet de long métrage sur l’Odyssée du point de vue de Pénélope. Le projet est en construction. Nous collaborons avec un directeur artistique que l’on aime beaucoup et Jérôme Combe, mon associé, travaille lui aussi d’arrache-pied sur le projet. 


Ce qui nous plaît c’est de prendre l’histoire et d’en faire un préquel un peu plus original et surprenant en le centrant sur Pénélope plutôt que sur Ulysse. 

 

 

 




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