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Yann Philippe, photographe et enseignant passionné, spécialiste de la photo infrarouge
Diplômé de la formation « Photographie - Post production » de GOBELINS Paris en 2009, Yann Philippe fait aujourd’hui partie de l’équipe pédagogique de l’école où il enseigne la post-production photo aux étudiants du Bachelor Photographe et Vidéaste. Il intervient également en formation continue, notamment dans les stages « GIF animé et Cinémagraph » et « Photographier l'invisible ». Passionné par la photo infrarouge, il a notamment conçu un filtre spécialisé, commercialisé aux États-Unis. Retoucheur et photographe professionnel il a également ouvert une entreprise, Flowim Studio à Tours.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours depuis votre sortie de l’école ?
Je suis sorti de l’école juste après la crise de 2008, tout le monde nous répétait qu’on ne trouverait pas de travail. C’était tellement ancré dans nos têtes que nous avons décidé, Élodie Campeanu, une camarade de promo, et moi, de nous associer et de monter notre propre studio de post-production photo.
Nous avons eu des clients dès le lancement grâce à nos stages, aux photographes que nous connaissions déjà et aux réseaux de l’école. Dès 2010, notre studio a très bien marché, notre carnet d’adresse s’est agrandi très rapidement. Nous avons décidé de faire évoluer nos activités et de passer de la marque « Pixus Retouch » à « Pixus Prod » pour pouvoir proposer des productions complètes (recherche du photographe, prise en charge de la logistique, location du studio) afin de pouvoir démarcher de plus gros clients, avec des budgets plus importants.
En 2014, pour répondre au mieux à nos commandes, nous avons décidé de louer le local attenant à nos bureaux pour en faire un studio, le Studio Perché. Le studio était disponible à la location quand nous ne l’utilisions pas, l’idée étant de pouvoir drainer un flux de photographes dans le studio et de leur faire découvrir nos services de retouche.
Série « LEGO » dans le cadre de tutoriaux réalisés pour le magazine « Advanced Creation » par FLOWIM Studio
Nous avons mis fin à l’aventure Pixus Prod en 2015. Nous étions arrivés à un point critique que nous n’arrivions pas à dépasser, nous gagnions très bien notre vie mais nous ne pouvions pas embaucher et faire grossir l’entreprise. A l’époque, les gros studios de retouche parisiens commençaient à rencontrer des difficultés et à dégraisser leurs effectifs. Nous avions tous les deux besoin de renouveau, nous avons donc décidé de fermer notre société et de continuer nos activités chacun de notre côté. Nous avons trouvé un repreneur pour Le Studio Perché qui a repris toute la marque et l’identité.
J’ai déménagé à Tours et j’ai ouvert Flowim Studio, mon entreprise actuelle, au sein de laquelle j’ai développé les mêmes activités qu’avec Pixus Prod, c’est-à-dire de la retouche ou de la prise de vue commerciale, publicitaire, des portraits « B to B », des natures mortes… Il m’arrive toujours de travailler avec mon associé, nous sommes restés en très bons termes.
Campagne Innocent par l’agence Rosbeef et photographiée par Alexis RAIMBAULT (Gobelins Photo -Prise de vue promo 2009). Retouche FLOWIM Studio.
Vous avez créé l’association « Photographie Infrarouge » en 2017, comment vous êtes-vous intéressé à cette thématique ?
J’ai découvert l’infrarouge quand j’étais encore étudiant, en me renseignant sur les techniques méconnues pour trouver une niche photographique. A l’époque, on ne pouvait trouver quasiment aucune information sur le sujet sur internet.
Je me suis rapidement aperçu que c’était très compliqué de faire de la photo infrarouge. Il n’existait aucun boîtier sur le marché, il fallait modifier soi-même son appareil ou obtenir une autorisation pour en acheter un auprès de la seule entreprise américaine qui en produisait pour des usages spécialisés (police, recherche scientifique notamment). Les appareils infrarouges permettant de voir certaines contre-mesures anti-falsification des billets, les enseignants de l’époque, dont Jérôme Jehel, qui était déjà là, ont dû signer des documents très spécifiques pour que je puisse faire importer ce matériel.
Le filtre IRChrome produit par KolariVision et developpé par Yann PHILIPPE conjointement avec la firme américaine.
En 2014, via Facebook, j’ai pu entrer en contact avec des groupes de passionnés. Nous étions plusieurs à Paris et nous nous sommes donnés pour mission de promouvoir la photo infrarouge et de la rendre accessible au plus grand nombre. Nous avons mis en place des workshops qui ont ensuite donné lieu au stage « Photographier l'invisible » de GOBELINS Paris.
En 2019, j’ai créé un filtre infrarouge avec une société américaine, Kolari Vision qui permet d’obtenir un rendu qui est le même que celui des pellicules Kodak de l’époque.
Je co-dirige toujours l’association ; l’infrarouge c’est mon travail de photographe auteur, c’est ce qui me permet de pouvoir exposer.
Série photographique en infrarouge, réalisée avec le filtre IRChrome. « Madrid Infrarroja »
Vous enseignez la photographie à GOBELINS depuis plusieurs années, vous avez récemment invité les étudiants à travailler avec l’IA créative, pourquoi ce choix ?
J’enseigne depuis 2011, je suis retourné à l’école deux ans après en être sorti, d’abord juste pour faire des remplacements. L’enseignement m’a plu et petit à petit je me suis retrouvé chargé de la formation en post-production des étudiants sur les trois années du bachelor.
Pour moi, l’objectif des ateliers a été toujours été de proposer aux élèves une démarche expérimentale, liée à une technique photographique de pointe (la photographie infrarouge, l’électro-photographie, la photogrammétrie 3D et maintenant l’intelligence artificielle). L’idée c’est de pousser les élèves à être curieux et de leur faire adopter une position de découvreur, de les encourager à inventer leur propre solution quand elle n’existe pas encore.
Travail réalisé en Janvier 2023 par Nina DUHAU (Bachelor Photo-Vidéo 2è année) dans le cadre de l’atelier consacré à l’intelligence artificielle.
L’IA étant un sujet qui passionne tout le monde en ce moment je voulais que les étudiants y soient confrontés le plus tôt possible pour qu’ils puissent inclure ce nouvel outil dans leur processus créatif et réfléchir aux divers moyens de l’exploiter.
C’était très intéressant car les résultats sont très contrastés, certains élèves ont réussi à se détacher de l’IA, alors que d’autres se font fait totalement guider par elle.
Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre métier de photographe et d’enseignant ?
Je ne m’ennuie jamais ! Je suis de nature touche à tout ; j’aime être sur plusieurs projets en même temps. J’aime beaucoup pouvoir faire la navette entre l’enseignement et le monde professionnel, pouvoir permettre aux étudiants d’avoir une connexion directe avec le monde du travail.
En tant que professionnel j’apprécie beaucoup le regard des étudiants qui sont toujours en recherche, toujours dans l’innovation. Ce qu’ils font aujourd’hui c’est ce qui fera la mode visuelle dans 5 ans. Enseigner me permet de pouvoir anticiper, de voir les tendances grâce aux travaux des étudiants.
J’ai pu également créer un réseau énorme, je suis régulièrement contacté par d’anciens étudiants pour des projets, j’ai aussi fait travailler beaucoup d’anciens en tant que freelance dans ma société.
Pour moi c’est un vrai cercle vertueux je pense que le monde professionnel ne va pas sans l’enseignement et la pédagogie et inversement.
Travail réalisé par Lucie HODIESNE (Bachelor Photo-Vidéo Promo 2020) dans le cadre d’une formation dédiée à la photographie de l’invisible via « l’effet Kirlian » (électro-photographie).
Pouvez-vous nous raconter un souvenir de vos études à GOBELINS ?
Le labo couleur ! En tant que premières années en traitement image nous passion quasiment toute notre vie à l’intérieur. Avoir pu vivre et découvrir ça, c’était une expérience unique.
Mon deuxième souvenir c’est tout ce temps passé à côté de la personne qui est devenue par la suite mon associée. Nous avons reproduit en grand, dans le monde réel, ce que nous vivions à l’école : travailler ensemble, s’aider, se donner des conseils… Nous avons voulu faire perdurer cette synergie au-delà des murs de GOBELINS.
C’est également le cas pour beaucoup d’anciens, un certain nombre de binômes ont continué à travailler ensemble à la sortie de l’école. GOBELINS permet aussi de se faire des amis et des contacts forts avec lesquels travailler par la suite.
Des élèves de la promo 2009 « Photographie - Traitement d’image » dans le labo de GOBELINS Paris
Quels conseils donneriez-vous à un.e jeune diplômé.e ?
Rester curieux et ne jamais se reposer sur ses acquis ou son savoir. La photographie est un milieu qui évolue très rapidement. Il faut être ouvert à toutes les nouveautés, toujours se cultiver, continuer à nourrir sa passion. Il faut essayer autant que possible de conserver cet attrait initial qui nous a poussé à faire ce métier et garder ce plaisir-là intact d’une façon ou d’une autre.
J’ai souvent cette conversation avec d’anciens élèves d’ici qui sont devenus retoucheurs et qui, parfois, ne prennent plus leur appareil photo quand ils partent en vacances ; je trouve ça dommage. Continuer à s’émerveiller comme on le faisait au début est fondamental.
Photographie infrarouge numérique de la série « Norway » réalisée grâce au prototype du filtre IRChrome développé par Yann PHILIPPE
Interview par Sophie Jean
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