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Julien Chheng, réalisateur et co-créateur du studio La Cachette
Diplômé de GOBELINS Paris en "Conception et Réalisation de film d’animation" en 2010, Julien Chheng a commencé sa carrière comme animateur 2D, d’abord sur « Titeuf », puis sur le premier volet d’«Ernest et Célestine ». Il a également créé "La Cachette", son propre studio d’animation, avec deux autres anciens de l’école, Oussama Bouacheria et Ulysse Malassagne. Aujourd’hui réalisateur, il a été nommé aux César pour "Ernest et Célestine, le voyage en Charabie", qu’il a co-réalisé avec Jean-Christophe Roger, dans la catégorie « Meilleur film d’animation ».
Vous avez suivi un « training » en développement visuel chez Disney à Burbank peu après l’obtention de votre diplôme, pouvez-vous en dire plus ?
Les recruteurs de Disney sont passés visiter l’école au moment du festival d’Annecy pour repérer des profils qui pourraient postuler au Talent Development Program, ouvert aux jeunes fraîchement diplômés du monde entier. Ils m’ont fortement conseillé de postuler pour le Développement Visuel.
Je travaillais chez Neomis en tant qu’animateur de personnages 2D sur le film Titeuf quand j'ai appris que j'étais reçu. La culture du studio étant très emprunte de la tradition Disney, ça m’a vraiment touché de voir mes superviseurs et la direction du studio me féliciter et m’encourager à partir.
Je suis parti pour Burbank en novembre. Tous les vendredis, le studio organisait une projection « Inspiration » pour les artistes, avec une sélection de court-métrages, clips, exercices en techniques d’animation diverses, pour tenir les équipes au courant de ce qui se fait dans le monde et les stimuler artistiquement. On y retrouvait beaucoup de films GOBELINS (films de fin d’études, exercices ou génériques d’Annecy...) ! J’ai vraiment ressenti l’influence que peut exercer le travail des étudiants sur de grands studios à l’étranger.
C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de rentrer en France à l’issue du training de six mois. Je voulais essayer de mettre ce que j’avais à offrir au service de l’animation française ou européenne et développer des projets originaux !
Vous avez co-fondé le studio La Cachette avec Oussama Bouacheria et Ulysse Malassagne deux anciens de Gobelins en 2014.
C’est en rentrant en France, après Disney, qu’est née cette idée de fonder notre propre studio avec les anciens camarades de notre film de fin d’études Le Royaume. Nous avions constaté à l’époque que les productions étaient soit très commerciales soit très « niche » et que les possibilités de pitcher des histoires originales étaient limitées au sein des studios.
Nous avons commencé en tant que collectif avant de devenir une vraie société en 2014. Entre le fantasme de retravailler tous ensemble et l’établissement administratif du studio, nous n’étions plus que trois : Oussama Bouacheria, Ulysse Malassagne et moi. Nous avions le rêve de produire nos propres créations en 2D, du design au storyboard jusqu’à l’animation finale.
Nos projets les plus connus ces dernières années sont probablement notre participation à la Saison 1 de Love, Death and Robots pour Netflix et surtout notre travail sur la série multi primée aux Emmy Awards, Genndy Tartakovsky’s Primal, qui raconte l’aventure incroyable, bestiale et sensible, sans dialogue, entre un homme préhistorique et un T-Rex, diffusée sur Adult Swim.
Primal
Vous êtes passé à la réalisation avec la série "Ernest et Célestine", puis le film "Ernest et Célestine et le voyage en Charabie" après avoir travaillé comme animateur sur le premier opus réalisé par Benjamin Renner en 2012.
Depuis peu revenu en France, j’ai eu la chance qu’on me demande de rejoindre l’équipe d’animation du film Ernest et Célestine, composée en grande partie de jeunes animateurs et animatrices qui n’avaient que très peu d’expérience en long-métrage. L’exigence de la qualité d’animation, le style du trait et la qualité narrative du projet m’ont durablement marqué, et ont aussi influencé notre manière de travailler plus tard au Studio La Cachette. Ulysse et moi venions de sortir de la production d’Ernest et Célestine lorsque nous avons fondé notre studio.
En 2015, le producteur du film Ernest et Célestine, Didier Brunner, m’a appelé pour me proposer la coréalisation de la série, avec Jean-Christophe Roger. On lui avait conseillé mon nom. L’exercice était périlleux, car le budget d’une série ne permet pas d’atteindre l’exigence que nous avions eu en 2D sur le film. Et il avait été donc décidé que la série soit fabriquée en animation 3D rendu 2D. J’ai voulu relever ce défi pour ma première expérience en réalisation car j’aime l’univers d’Ernest et Célestine ainsi que toutes les possibilités créatives qu’il offre et j’avais un coréalisateur expérimenté à mes côtés pour m’épauler.
En 2020, lorsque Didier m’a proposé de réaliser avec Jean-Christophe un nouveau long-métrage, nous avons décidé tous ensemble de rester fidèle à la 2D traditionnelle, et le Studio La Cachette a même été impliqué dans la fabrication du layout posing et de la moitié de l’animation du film, aux côtés du studio Fost.
La mise en place narrative de l’histoire a été très difficile à faire fonctionner car c’est un film qui soulève de nombreux thèmes, avec beaucoup de personnages. Nous nous sommes efforcés de rendre la relation entre Ernest et Célestine palpable, tendre et riche sur plusieurs niveaux. Ces personnages, conçus par Gabrielle Vincent, auteure très libertaire et non conventionnelle, ont une relation plutôt floue, ils peuvent être perçus comme les meilleurs amis ou comme des amants ou comme parent et enfant. Ils sont un peu tout ça pour moi, ce qui en fait pour un duo extrêmement cinégénique et attachant !
Cette première expérience en réalisation de long-métrage a été extrêmement intense, et m’a beaucoup appris, humainement et artistiquement.
Ernest et Célestine : le voyage en Charabie
Vous avez par ailleurs été nommé aux César dans la catégorie « Meilleur film d’animation » pour le film, est-ce une consécration pour vous ?
C’est une première pour Jean-Christophe et moi, donc nous savourons cet honneur ! Le concept d’une compétition entre des films si différents me paraît en soi un peu abstrait, mais en tout cas nous sommes très contents de représenter une des facettes de la grande diversité qu’offre l’animation française ! J’espère aussi voir de plus en plus d’histoires originales non tirées d’adaptation représentées dans les futures nominations !
Vous avez réalisé un épisode de la série Star Wars Visions volume 2 qui sortira en mai sur Disney plus, pouvez-vous nous en dire plus ?
Non malheureusement ! Mais ce sera révélé bientôt ! Tout ce que je peux dire, c’est que c’est un véritable honneur qu’il nous est fait de la part de Lucasfilm, une grande fierté de travailler au nom du Studio La Cachette sur ce beau projet, d’avoir conçu cette histoire et ces personnages, inventés pour cet univers mythique. Le tout a été fait avec beaucoup de passion, son lot de pression, et une grande liberté !
Star Wars Visions
Sur quel projet travaillez-vous en ce moment ?
Sur plusieurs, pour ne pas changer !
Actuellement, je travaille à la mise en place de la production de la série Le Collège Noir réalisée par Ulysse Malassagne, qui sera notre première production déléguée avec Studio La Cachette.
Je garde un œil sur plusieurs projets actuellement en développement au studio, qui nous permettent de mettre le pied à l’étrier plusieurs artistes du studio qui ont envie de passer à la réalisation.
Et enfin, je suis en plein storyboard de mon prochain film, qui s’appelle pour l’instant MU YI, et qui sera aussi notre premier long-métrage produit en délégué avec Studio La Cachette.
MI YU
Travaillez-vous régulièrement avec des anciens de GOBELINS ?
Oui absolument ! Nous regardons toujours chaque année avec attention les travaux des élèves sortant.e.s ou en cours de cursus !
Nous recevons beaucoup de candidatures spontanées issues de GOBELINS, et d’autres écoles, aussi pour des stages. Les anciens de GOBELINS sont logiquement très présents dans nos équipes.
La qualité technique et la sensibilité artistique des étudiants de l'école en font vraiment de très bons éléments à considérer pour tout projets de séries ou de long-métrage.
Pouvez-vous nous raconter un bon souvenir de GOBELINS ?
Il y en a beaucoup, mais ce qui restera le plus marquant pour moi, c’est le souvenir des premiers line tests, pendant lesquels on découvre la magie de l’animation pour la première fois, comme si on ouvrait la boîte de Pandore.
C’est un sentiment qui m’a marqué et que j’essaie encore de retrouver aujourd’hui dans mon travail.
MI YU
Quels conseils donneriez-vous à un.e jeune diplômé.e ?
Ce qui est difficile, c’est que les sortant.e.s doivent assumer un double statut. Très attendu.e.s pour leurs qualités propres, et en même temps parachuté.e.s sur des projets avec des équipes qui veulent les former, c’est parfois un équilibre difficile à trouver.
C’est pourquoi il est important de toujours rester flexible artistiquement, de bien comprendre les attentes, de prendre du plaisir dans son travail, de communiquer avec les autres, de ne pas hésiter à prendre des risques, de ne pas avoir peur de l’échec, d’accepter tout autant la critique sur son travail que les responsabilités qu’on peut vite se voir confier quand son travail le mérite.
Bref, il faut être conscient que peu importe ce qu’on fait en sortant, une expérience en entraînera une autre, et que tout ce dont vous rêvez finira par venir à vous, du moment que vous vous montrez motivé.e, flexible et avenant.e.
Interview par Sophie Jean
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